Au bonheur des rêveurs
Depuis 1927, le Musée de l'Orangerie à Paris abrite les fameux panneaux monumentaux des Nymphéas de Claude Monet. Une "Sixtine de l'Impressionnisme", d'après l'artiste André Masson, qui sublime la collection déjà riche de ce petit musée national.
Aux portes du jardin des Tuileries, dans le 1er arrondissement de
Paris, deux musées se font face : le Jeu de Paume à gauche, le Musée de
l’Orangerie à droite. La photographie d’un côté, la peinture de l’autre, même
si les deux se répondent.
Ce matin de février au Musée de l’Orangerie, quelques touristes sont venus
découvrir la collection Jean Walter et Paul Guillaume ainsi que la célèbre Salle des Nymphéas. Je vous conseille de terminer par là, pour vous imprégner d’un
peu de quiétude avant de reprendre le métro… Mais la collection de Paul
Guillaume ne manque pas non plus de chefs-d’œuvre !
Ce marchand d’art a rassemblé entre 1912 et 1934 l’essentiel des 145 toiles
qui se trouvent à l’Orangerie. Elles donnent un excellent aperçu de
l’effervescence artistique qui embrasait Paris au début du XXe siècle. On y
trouve des tableaux de Renoir, Picasso, Derain, Modigliani, Cézanne, Matisse,
Soutine, Utrillo, Marie Laurencin… Une débauche de couleurs et de lumières qui
nous mène tour à tour auprès de jeunes filles apprenant le piano (La leçon de
piano, Pierre-Auguste Renoir), sous un soleil provençal éclatant (Le Pin à
l’Estaque, Paul Cézanne), dans l’intimité d’une pâle étreinte (Pablo Picasso, L’Etreinte), sur la route
avec des saltimbanques (Arlequin et Pierrot, André Derain), sur la butte de
Montmartre (La Maison Bernot, Maurice Utrillo), au cœur de flots enragés
(Navire dans la tempête, Henri Rousseau), dans les bras de femmes au teint
diaphane (Portrait de Madame Paul Guillaume, Marie Laurencin), près d’étranges
figures aux yeux vides (Femme au ruban de velours, Modigiani) ou dans des rues
tourbillonnantes (Le Village, Chaïm Soutine).
L’impressionnisme et le fauvisme sont largement représentés, mais l’on
décèle aussi les prémices du cubisme
dans les œuvres de Cézanne et celles de l’abstraction dans la peinture de
Monet. Ce dernier a choisi l’Orangerie pour exposer plusieurs de ses panneaux
des Nymphéas et ainsi créer une véritable bulle de paix et de méditation au
cœur de la capitale. Deux salles ovales accueillent ces peintures aux
dimensions colossales. Notre regard s’y plonge avec égarement, on ressent le
bruissement des feuilles du saule pleureur et de la végétation vert pâle. On perçoit les rides laissées par le vent
sur l’onde et la déclinaison du soleil
en une multitude de reflets turquoise, violet, jaune ou rose. Des myriades de
tons qui ne sont qu’amas de peinture lorsque l’on s’approche, mais qui forment à
mesure que l’on s’éloigne l’impression exacte du bassin du peintre à Giverny.
Un lieu hors du temps où le bruit de la ville et son rythme effréné ont
laissé place au silence d’une contemplation béate, intense, et délicieusement
lente.
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